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Géraud Guibert, président de La Fabrique Écologique, fondation pluraliste de l'écologie

Quelle planification écologique pour les collectivités : l’exemple de la publicité

Acteurs PAROLE PUBLIQUE oct. 2022

Géraud Guibert, président de La Fabrique Écologique, fondation pluraliste de l'écologie

Géraud Guibert
Président de La Fabrique Ecologique, fondation pluraliste de l'écologie.

Cet article a été publié dans la revue PAROLE PUBLIQUE n°29 d'octobre 2022 à découvrir ici

 

La planification écologique est à la mode. Elle serait le remède miracle contre les changements climatiques et la perte de biodiversité. Il est vrai que pour réussir la transition il faut une vision à long terme, fixer les trajectoires souhaitables et associer au suivi toutes les parties prenantes. Depuis une quinzaine d'années, la France a ainsi multiplié les stratégies qui sont de la planification sans le dire ni le formaliser : Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), objectif de suppression des plastiques à usage unique, de diminution des pesticides…

Les résultats de la planification écologique sont décevants, faute d'implication des forces vives et des territoires dans la définition et la mise en œuvre des mesures.

Initiatives nombreuses mais résultats décevants, en raison notamment de l'insuffisante implication des forces vives et des territoires dans la définition et la mise en œuvre des mesures. Dans la transition écologique, l'essentiel des décisions nécessaires relève des collectivités territoriales (transport, logement, planification des sols). Et aussi des citoyens, pour isoler leur maison, se déplacer de manière plus sobre ou modifier leur mode de vie. Et les technologies nouvelles sont à petite échelle, par exemple les énergies renouvelables, et relèvent donc d'abord de décisions locales.

L'échelon national est important pour donner les impulsions et garantir la solidarité. Mais il doit être bien articulé avec les autres.

Les décideurs sont donc nombreux, les mesures à prendre multiples. Elles doivent cependant, pour être acceptées, avoir des objectifs compatibles et des impacts équitables, en évitant d'aggraver les inégalités. L'échelon national est donc important, notamment pour donner les impulsions et garantir la solidarité mais il doit être bien articulé avec les autres.

Longtemps structuré autour d'un modèle très jacobin, notre pays n'a pas vraiment réformé son millefeuille territorial. La loi de 2015 sur la Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRé) n'a pas eu les retombées escomptées en matière de simplification de l'action publique. Les instruments de planification et les schémas se sont multipliés (SRCAE, SCoT, SRADDET, SRB, etc.) et complexifiés. Souvent incomplets, ils n'ont pas été articulés à des objectifs nationaux précis, par exemple en matière climatique.

Notre pays a en outre toujours autant de mal à mettre en place des procédures démocratiques de co-construction citoyenne associant le plus grand nombre. Le Grand débat national, la Convention citoyenne pour le climat ont déçu, faute de réflexion suffisante sur la manière de les faire contribuer aux décisions. En contraste, certains pays voisins, comme en Allemagne, connaissent une forte impulsion citoyenne et décentralisée de la transition écologique.

Notre pays a du mal à mettre en place des procédures démocratiques de co-construction citoyenne associant le plus grand nombre.

Il est ainsi indispensable que les territoires soient mis en situation d'agir plus vite et plus fort pour la transition écologique, avec trois exigences significatives : une orientation nationale précise et largement acceptée, une responsabilité territoriale claire et dotée des moyens d'agir, des mécanismes de co-construction citoyenne crédibles et reconnus.

L'exemple de la publicité est de ce point de vue éclairant.

Comme nous l'avons analysé en 2020 dans un rapport au gouvernement*, la publicité est un enjeu majeur pour la transition écologique, pour faire évoluer les modes de consommation, encourager les produits propres et lutter contre la surconsommation et le gaspillage. La réflexion sur son évolution s'est développée au plan national, avec des actions de la société civile, des débats parlementaires et quelques dispositions de la loi récente « Climat et résilience ». Les actions entreprises restent cependant insuffisantes.

La publicité est un enjeu majeur pour la transition écologique, pour faire évoluer les modes de consommation, encourager les produits propres, lutter contre la surconsommation et le gaspillage.

Il en va de même au plan local. En matière de publicité ou de communication, les collectivités territoriales ont les moyens d'agir. Pourtant trop rares sont les communes et les intercommunalités qui ont décidé d'adopter une stratégie ambitieuse et cohérente sur ce sujet. Au-delà des règles de base codifiées par le Code de l'environnement, appelées Règlement National de la Publicité (RNP), elles disposent pourtant de compétences importantes sur les règles d'implantation de ces supports, plus étendues lorsqu'existe un Règlement Local de Publicité (RLP) adopté au plan communal ou intercommunal. Ce document permet d'élaborer une véritable organisation de l'espace, le cas échéant plus restrictive que celle du RNP.

Alors qu'elles ont les moyens d'agir, trop rares sont les communes et les intercommunalités à adopter une stratégie ambitieuse et cohérente en matière de publicité ou de communication.

En matière de publicité, l'outil de planification écologique existe donc. La procédure à suivre s'apparente à celle définie par le Code de l'urbanisme pour l'élaboration des Plans Locaux d'Urbanisme (PLU). Elle comporte la prescription de l'élaboration par l'autorité compétente qui précise les objectifs et les modalités de la concertation, un diagnostic pour identifier les principaux enjeux locaux et une délibération permettant de définir les principales orientations. Les citoyens sont donc en principe associés à la confection de ce document.

Mais les collectivités ne sont pas tenues de suivre des objectifs particuliers ni de mesurer l'impact effectif ou prévisionnel de leur dispositif publicitaire et de communication. Elles sont ainsi tentées d'en faire le moins possible, alors que l'affichage peut être pour elles une source non négligeable de recettes fiscales.

Les collectivités ne sont pas tenues de suivre des objectifs particuliers ni de mesurer l'impact effectif ou prévisionnel de leur dispositif publicitaire et de communication.

Ces règlements sont en outre si techniques qu'il est difficile de prendre part aux débats sans le soutien d'urbanistes. Or des détails techniques et d'apparence insignifiante peuvent avoir d'importantes conséquences. L'enquête publique obligatoirement menée sur le projet de plan peut de ce fait avoir un caractère largement formel.

Enfin, si les collectivités plus importantes ont davantage les moyens d'exercer leur rôle de police de la publicité, de plus petites collectivités n'auront qu'un seul policier municipal. Et certaines peuvent se voir imposer des panneaux publicitaires par un autre échelon alors qu'elles ont pourtant une politique restrictive en la matière.

Il est donc essentiel qu'une prise de conscience s'opère pour que les outils de planification et de cohérence soient mieux utilisés, y compris au plan local. La nouvelle planification écologique pourrait y contribuer, non pas en délivrant des injonctions impératives venues d'en haut, mais en mettant les collectivités en situation de suivre leur impact climatique dans ce domaine et de définir une trajectoire pour le réduire.

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* Rapport Publicité et transition écologique - La fabrique écologique (lafabriqueecologique.fr), Géraud Guibert et Thierry Libaert, juin 2020.