Une parole forte pour servir l'exigence démocratique

Tribune de l'association Communication publique 

L'association Communication publique réunit 150 directeurs de communication institutionnelle des pouvoirs et services publics. Notre professionnalisme contribue au quotidien à l'écoute de l'opinion, l'accès à l'information, l'égalité entre les citoyens, et donc à l'intérêt général, la cohésion de la société et de la nation.

L'annonce du Premier ministre le 30 novembre, par voie de presse, d'une baisse de 20 à 40 % des budgets de communication des services de l'État et de ses opérateurs, a surpris et inquiété par sa soudaineté, son ampleur et surtout par son absence de diagnostic préalable partagé.

Comme citoyens - et contribuables - les membres de Communication publique comprennent et partagent la nécessité d'une maitrise rigoureuse des deniers publics. En tant qu'agents publics et responsables de la communication de l'État, nous y travaillons déjà chaque jour.

Pour autant, prenons garde, dans la précipitation, à ne pas affaiblir dans le même temps la parole publique et les services publics.

« La communication publique est au service de l'exigence démocratique », écrivait Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État. Dans une société d'individualisme et de fragmentation de l'espace public, mise à mal par la désinformation, les ingérences, les rumeurs et les manipulations, la défiance grandit. Dès lors, l'enjeu de la parole publique est - ni plus ni moins - de nourrir des valeurs et une culture communes qui participent de notre cohésion sociale.

La communication publique contribue à l'accès de chacun aux services publics. Elle invite à connaitre ses droits et à comprendre ses devoirs. Se soigner, choisir une université, accéder à la formation ou à l'emploi, créer son activité, se loger ou isoler sa maison, obtenir justice, oser franchir les portes d'un musée ou d'un théâtre. C'est un levier essentiel de lutte contre le non-recours qui fragilise des millions de personnes. Affaiblir la parole publique c'est renoncer à s'adresser à tous et nourrir le sentiment d'abandon qui habite trop de nos concitoyens.

La communication publique concourt à mettre en garde contre les risques, à faire évoluer les comportements : pensons aux campagnes de sécurité routière, de vaccination et de prévention sanitaire, d'économie d'énergie, de consommation durable, contre les arnaques ou la cyber malveillance.

C'est pourquoi une politique de réduction des dépenses doit être parfaitement ciblée. Oui, certaines communications peuvent être repensées ou mutualisées. Oui, renforcer la coordination au niveau gouvernemental est souhaitable, à condition de préserver la capacité d'exécution au plus près des usagers et des citoyens. Or, couper uniformément reviendrait à réduire la capacité de l'État à expliquer, prévenir, dialoguer, alerter. Et le contribuable n'y gagnerait pas forcément au final.

Améliorer l'efficience de la communication, et donc de l'action publique, suppose un travail collectif, une méthode et des objectifs clairs, une planification. Beaucoup a été fait depuis plusieurs années pour renforcer la cohérence et l'efficacité de la communication de l'État. Beaucoup peut encore être fait pour s'accorder sur des objectifs et des référentiels, renforcer la formation des équipes, mutualiser les moyens, investir dans les technologies et les partenariats, parier sur l'intelligence collective et sur l'innovation. La concertation et l'analyse fine des attentes des usagers et citoyens exigent un peu plus que deux mois de réflexion.

Si la communication publique doit toujours mieux trier entre l'accessoire et l'essentiel, c'est en considérant l'utilité des actions et leur impact que l'on avancera.

Notre métier, la communication de service public, n'est pas la mise en scène des responsables politiques. Elle est un outil pour garantir l'efficacité des politiques publiques et le bon emploi de l'argent public. Nous appelons aujourd'hui à une véritable réflexion stratégique sur la communication de l'État. Sur son statut, ses missions, sur les moyens de renforcer son efficacité tout en préservant sa mission première : servir l'intérêt général et concrétiser les obligations de l'État en matière d'accès aux droits et d'information des citoyens.

Les responsables de communication publique sont disponibles et désireux de s'y engager pleinement, comme des partenaires à part entière. Parce que la communication publique est un bien commun. Un service public. Une composante de la démocratie.