Monsieur le Premier ministre,
L'annonce surprise, en milieu de semaine dernière, d'un moratoire sur les dépenses de communication des services de l'État jusqu'à la fin de l'année et d'une baisse des budgets 2026 de 20 % a suscité une forte inquiétude et beaucoup d'incompréhension au sein du large écosystème de la communication publique, et même au-delà.
L'association Communication publique - qui fédère, depuis plus de 35 ans, des professionnels de la communication dans les services de l'État, dans les collectivités, la fonction publique hospitalière, le monde académique, les entreprises publiques, ainsi qu'un certain nombre de grands opérateurs et d'agences de communication - ne pouvait rester sans réagir, face à des mesures qu'elle considère comme relevant, pour une bonne part, d'une méconnaissance de nos métiers et de leur utilité fondamentale auprès de nos concitoyens.
La crise des finances publiques est un constat partagé par chacun. La communication publique peut et doit prendre sa part, à l'instar d'autres politiques publiques, au redressement des comptes de la Nation. Elle le fait par ailleurs déjà, notamment dans les collectivités territoriales, largement mises à contribution par l'État, et qui ont, pour beaucoup d'entre elles, été contraintes de réduire leurs budgets de communication.
Dans un tel contexte, une revue des dépenses, menée avec méthode, en s'appuyant sur des données consolidées et une analyse objective et documentée, peut permettre de mesurer la performance de la communication publique. Avec l'objectif, assumé, de rationaliser ou mutualiser ce qui peut l'être, mais aussi, d'identifier les déséquilibres dont peuvent souffrir certains secteurs et de les corriger. Cet examen gagnerait à se doubler d'une systématisation de la mesure d'impact des campagnes gouvernementales, poursuivant ainsi la démarche d'optimisation de la communication des ministères engagée depuis plusieurs années sous l'impulsion du Service d'information du Gouvernement.
Par ailleurs, nous en sommes convaincus, un pilotage budgétaire impartial peut également s'avérer un outil précieux pour faire la chasse aux préjugés, aux soupçons et aux idées reçues, encore trop souvent attachés à la communication.
Nous le disons avec force : la nécessaire recherche d'économies ne doit pas devenir l'instrument injuste du procès de la communication. Ce alors même que les tensions sociales, la marginalisation d'une partie de la population, qui peine à accéder à ses droits, l'instabilité politique et le travail de sape des acteurs de la désinformation rendent plus que jamais nécessaire de promouvoir les services publics, d'expliquer les décisions politiques et de faciliter le déploiement des politiques publiques jusqu'au dernier kilomètre.
Informer, écouter, tisser des liens, susciter le dialogue, créer les conditions d'un débat public serein, pour, au final, contribuer à rétablir la confiance entre la population et ses institutions : notre action de communicant au sein de chaque service public répond au souci permanent d'éclairer les citoyens, dans un cadre démocratique fortement fragilisé par la polarisation des opinions.
Le Conseiller d'État Pierre Zémor, fondateur il y a 35 ans de l'association Communication publique, soulignait déjà cette évidence : "En période de contrainte budgétaire, l'obligation d'expliquer et de rendre des comptes aux citoyens s'accroit".
Nous nous tenons à la disposition de vos services pour entamer des échanges, dans un esprit responsable et constructif, en vue d'envisager les modalités d'une revue des dépenses objective qui, sans nul doute, confirmera la nécessité de donner au secteur de la communication publique pour 2026 les moyens indispensables à un fonctionnement efficient et confirmera que la communication est une composante indispensable du service public en France.
Dans l'attente, veuillez accepter, Monsieur le Premier ministre, l'expression de nos respectueuses salutations.
Marie Yanowitz-Durand et Laurent Riéra
Coprésidents de l'Association Communication publique