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Pour un management par la confiance éclairée

Acteurs PAROLE PUBLIQUE nov. 2021

Mathilde Icard, présidente de l’association des DRH de grandes collectivités

Mathilde Icard
Présidente de l'association des DRH de grandes collectivités

Cet article a été publié dans la revue PAROLE PUBLIQUE n°28 de novembre 2021 à découvrir ici

DRH/DirCom : on a des choses à se dire

Les agent.es de la fonction publique sont tiraillé.es : entre leur attachement au service public et leur inquiétude quant à l’avenir de la Fonction publique.

Le récent sondage réalisé par l’institut BVA pour la Casden1 en témoigne. L’inquiétude est là : près des trois quarts des agent.es sont pessimistes concernant l’évolution du fonctionnement de la Fonction publique (74 %) et l’image des fonctionnaires auprès des Français (72 %). Plus des deux tiers le sont au sujet de la reconnaissance de leur travail (69 %), de l’attractivité des métiers de la fonction publique (67 %) et de l’évolution de leurs marges de manœuvre dans leur travail ainsi que leurs conditions de travail (66 % pour les deux). Les cadres A sont d’ailleurs systématiquement les plus pessimistes.

Et pourtant, les mêmes personnes sondées, pour huit sur dix d’entre elles, pensent continuer à travailler dans la Fonction publique (80 %). Plus d’un an après le début d’une crise qui s’installe, les agent.es ont plus que jamais le service public chevillé au corps.

Engagé.es, les agent.es ont soif de sens, de marges de manoeuvre, de reconnaissance. Il y a un réel manque, les chiffres sont édifiants. Depuis le début de la crise, les agent.es se sentent soutenu.es à 85 % par leurs collègues, à 61 % par le public usager. Par contre, la relation de confiance avec l’autorité interpelle : le sentiment de soutien de la hiérarchie est toujours majoritaire, mais il est en baisse de 10 points (54 %), sans parler du sentiment d’appui des élu.es (35 %) ou de l’Etat (25 %).

Pour la fonction RH, la tentation serait alors de décréter que 2022 sera l’année de la confiance et, avec une baguette magique, diffuser des énergies positives. Les DRH impulseraient de nouvelles actions : écriture d’une charte des valeurs, mise en place de groupe d’expression entre pairs, réseau social interne sans modération de la comm interne, hackatons, mécénat de compétences…certain.es agent.es sauteraient sur l’occasion pour s’investir, d’autres attendraient de voir s’il ne s’agit pas d’un mauvais coup de communication opportuniste.

Rares sont encore les DRH et Dircoms qui travaillent ensemble sur les enjeux de fond.

Le management par la confiance n’est performant qu’à la condition d’un alignement entre la parole publique et les actes RH du quotidien. Un défi pour la DG et le binôme DRH/Dircom. Or rares sont encore les DRH et Dircoms qui travaillent ensemble sur les enjeux de fond (qui dépassent la marque employeur), entre la communication externe et interne. La confiance est un beau sujet pour débuter.

La séquence actuelle a révélé que le management par la confiance est plus performant que le management par le contrôle. Les théories basées sur la confiance ne sont pas nouvelles. La crise a amplifié, révélé les fragilités organisationnelles mais aussi les forces : engagement, créativité, coopération. Avec maintenant plus d’un an d’expérience, les organisations adaptables, innovantes ont certainement été plus efficaces que les organisations basées uniquement sur un système de commandement et de contrôle.

Le management par la confiance sécurise beaucoup plus que le management par le contrôle.

Ainsi, pendant les premières phases de confinement, les managers de proximité pilotant des équipes en télétravail ont parfois mis en place des systèmes de contrôle de l’activité inefficace avec des points quotidiens très précis. Même les moins ouverts à la confiance ont vite changé de système : submergé.es par les informations, les managers n’étaient pas en capacité de trier la bonne information, celle qui fait sens pour arbitrer. Le management par la confiance sécurise beaucoup plus que le management par le contrôle. De même, les équipes restées sur le terrain ont ajusté leurs pratiques dans des logiques « essai-erreur-ajustement-essai » jusqu’à trouver la bonne façon de maintenir une relation efficace au public. Cela a donné lieu à des transformations en s’appuyant sur le numérique. Les travailleurs sociaux ont, par exemple, dès les premiers jours du confinement, mis en place des groupes, des visio-conférences, ont même développé des liens avec des jeunes résistant à un accompagnement institutionnel classique.

Les managers ont un rôle clé dans cette affaire. Pendant des décennies, le management a surtout été choisi pour mettre en oeuvre une stratégie déterminée par le haut et pour régler des problèmes qui venaient du bas. Dans un système de confiance, il y a une inversion, les managers sont facilitateurs.rices et développent les conditions pour que, sur le terrain, le dialogue s’instaure sur la qualité du travail, sur le service à rendre et les problèmes à régler.

Cela peut être très perturbant si les managers ne sont pas formé.es et accompagné.es dans ce changement de posture. Il y a aussi un lâcher prise nécessaire : en tant que managers, nous devons accepter que le chemin qui sera pris par les équipes n’est pas forcément celui que nous aurions pris. Ce n’est pas une confiance aveugle, désinvestie. C’est une confiance éclairée où nous créons les conditions de la controverse en interne, où l’on ne cherche pas à recruter des moutons à cinq pattes (justement, on ne veut pas de moutons), où les conflits internes ne sont pas enterrés, où chacun.e peut développer ses compétences, où le droit à l’erreur est accepté, où l’exemplarité est réelle, où la vision est partagée, où le rapport au temps et au territoire est discuté. La confiance nécessite un rapport au temps et au territoire qui sache équilibrer court et long terme, identité et globalité. Et c’est un vrai défi à l’heure du tweet et de l’ubérisation sociétale !

C’est une confiance éclairée où nous créons les conditions de la controverse en interne.

Les associations professionnelles de responsables communication et rh de la fonction publique gagneront à travailler ensemble sur ces sujets. Depuis de nombreuses années, l’association des drh des grandes collectivités contribue sur l’attractivité de la fonction publique, le sens au travail, les collectifs de travail, l’inclusion. Il s’agit pour nous de conditions pour un service public performant. Notre souhait est de développer les partenariats avec les réseaux professionnels. La force de nos associations est d’inscrire leur réflexion et leur action dans la durée. À notre sens, la prospective s’enrichira du croisement des points de vue avec le développement des échanges inter-fonctions publiques et avec le secteur privé. Alors, on s’y met ?

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1 - Les fonctionnaires et la crise sanitaire : un an après, quel bilan de la période, quelles perspectives ?, Casden BVA, Mai 2021