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Communication politique, communication publique : quelle cohabitation ?

Article de Pierre-Angel Gay, administrateur de Communication publique

On attendait un débat policé sur la cohabitation entre communication politique et communication publique institutionnelle. Ce fut un rendez-vous passionné, organisé mercredi 26 septembre à l’ENA par l’association Communication publique. Tout a commencé par un réquisitoire, dressé par Pierre Zémor, fondateur de l’association et initiateur du manifeste « Pour une autre communication politique ». Pour lui, pas de doute ! Aujourd’hui, la communication politique « altère la démocratie ».

Elle fait du citoyen un usager, de l’électeur un consommateur. Son simplisme est un déni de complexité. Son tropisme pour le marketing facilite la conquête du pouvoir, mais est inapte à son exercice. Elle génère un avatar, la démocratie d’opinion, où experts et sondages fabriquent une représentation caricaturale des attentes. Et Pierre Zémor de laisser tomber : « J’en veux énormément à la presse »… avant de mettre en avant « les impératifs de communication d’une démocratie moderne » : construire une offre politique avec la société civile, informer des problèmes avant qu’ils ne se posent, souscrire au dessein du vivre ensemble et faire appel à la lucidité des citoyens !

Piquée au vif, Hélène Risser, rédactrice en chef et animatrice à Public Sénat, veut bien concéder que les médias, par leur comportement moutonnier, peuvent, le temps d’une campagne, dynamiser une promesse politique puis favoriser sa désillusion. Le feuilleton de l’information en continu a besoin de héros et d’intrigues. Mais c’est pour mieux asséner cette évidence : « Les médias ne sont pas là pour relayer une communication ou fabriquer de la concertation. Ils ne sont que la caisse de résonnance des problèmes institutionnels » générés par la Vième République elle-même !

Le dialogue aurait pu rester de sourds, si Jean-Daniel Lévy, directeur du département Politique & Opinions d’Harris Interactive, n’avait rappelé qu’il y a sondage… et sondage. Que la température des réactions à chaud, souvent critiques, ne doit pas masquer les enseignements des enquêtes sur les politiques publiques. Les citoyens ne jugent pas uniquement les actions ou les institutions à l’aune de leur efficacité immédiate, mais aussi à celle de leur système de valeurs, « des enjeux et des efforts déployés ». Sur la durée, la population a conscience de ce qui est fait.

C’est tout l’enjeu de la communication publique institutionnelle. Coïncidence ou nécessité, elle apparaît dans les années 80, rappelle Claudy Lebreton, ancien président de l’Assemblée des Départements de France, lorsque s’amorce le passage « d’une société de confiance à une société de défiance ».Plus le désamour s’installe, plus les institutions doivent expliquer ce qu’elles font. Comme le conclut François Kohler, président de Communication publique, « le travail de pédagogie, s’il est fait avec sincérité et écoute, est aujourd’hui une condition de réussite des politiques publiques ». Entre les deux « com », politique et publique, on est passé de la cohabitation à la collaboration.

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